Moshé Feldenkrais
D’origine juive, Moshé Feldenkrais naît en 1904 dans ce qui constitue aujourd’hui l’Ukraine. En 1912, sa famille déménage dans l’actuelle Biélorussie. La vie quotidienne y est rude. Depuis des décennies, dans l’ancien empire de Russie, les Juifs sont victimes de pogroms – des attaques violentes par les populations locales. Voyant que son fils n’a pas d’avenir en ce lieu, la mère de Moshé lui conseille de se rendre en Palestine.
Dans les années 1920, le jeune Feldenkrais traverse ainsi l’Europe par ses propres moyens. La Palestine est alors sous protectorat anglais et la vie y est difficile aussi. Le climat entre Juifs et Arabes est tendu. Les Juifs s’étant vu refuser le droit de s’armer pour se défendre contre les attaques au couteau, Feldenkrais se forme au Jiu-Jitsu et développe ses propres techniques d’auto-défense, dont il fera un premier livre : « Jiu-Jitsu et autodéfense ». Durant cette période, il subit une blessure importante au genou en jouant au football.
Dans les années 1930, Feldenkrais se rend à Paris, où il obtient un diplôme d’ingénieur en génie mécanique et électrique et un doctorat en physique. Il travaille dans le laboratoire des physiciens Frédéric Joliot-Curie et Paul Langevin et pratique toujours le Jiu-Jitsu. Alors que le fondateur du judo, Jigorô Kanô, est invité à l’ambassade japonaise pour y présenter pour la première fois le judo à Paris, Feldenkrais tente de se rendre sur place pour lui montrer son manuel d’autodéfense. « Vous n’avez pas de carton d’invitation », dit-on à ce jeune homme habillé un peu trop simplement. Sans se décourager, Feldenkrais demande à ce que son livre soit remis à Jigorô Kanô. Après lecture de l’ouvrage, ce dernier demande à rencontrer Feldenkrais. C’est le début d’une amitié entre les deux hommes. Feldenkrais deviendra plus tard l’une des premières ceintures noires de France et co-fondera le premier Judo Club de France.
En 1940, quand les Allemands envahissent Paris, Feldenkrais prend le dernier bateau quittant la France occupée pour l’Angleterre. Il emporte avec lui de l’eau lourde et des documents secrets sur la bombe atomique que Joliot-Curie lui a confiés afin que les Anglais les gardent hors de portée des nazis. En Angleterre, Feldenkrais travaille pour l’Amirauté britannique dans la recherche de méthodes de traçage des sous-marins ennemis. Sa blessure au genou s’aggrave, et il se voit proposer une opération chirurgicale dont les chances de succès sont évaluées à 50 %. Feldenkrais refuse et se met à chercher lui-même comment se déplacer sans douleur, étudiant diverses sources, dont l’anatomie, la neurologie, la physique, la biomécanique, la psychologie, la pédagogie, les sciences du mouvement, le yoga, le zen et l’acupuncture. Il esquisse ainsi l’ébauche de sa méthode et parvient à remarcher sans opération.
À partir de 1950, Feldenkrais se rend dans le nouvel Etat d’Israël et y développe sa méthode, qu’il enseignera d’abord en Israël puis en Europe et en Amérique du Nord. Au fil des ans, il forme de nombreux praticiens. Il décède en 1984 en Israël, à l’âge de 80 ans. Ceux qui, venus du monde entier, ont participé à sa dernière formation en groupe ont témoigné de sa qualité de présence exceptionnelle : « Nous étions deux cents et j’avais la sensation qu’il ne parlait qu’à moi. »